MISSA AMORIS

Me voici livrée aux variations impromptues de ton bon vouloir.
Ignorante de l'inflexion que tu vas donner à ton geste, analphabète de son ellipse, aveugle de sa trajectoire, je savoure l'acuité de l'instant au cordeau de l'attente.
Ta caresse ruisselle sur mon échine et ta main calligraphie sur le vélin de mon dos les hiéroglyphes du frisson.
Vagabonde, son écriture court de pleins en déliés, ponctuée de points de suspension lorsque ta paume bute sur les liens qui m'enserrent et que ma peau devient orpheline de toi...
Amnésique de toute menace de châtiment, je lape en silence l'or de ce temps bercé d'une exquise langueur...
Soudain, ma chair ébahie sursaute sous l'éclair d'une première fessée. Un profond séisme ébranle mon corps et son onde de choc inouïe m'ouvre à une nouvelle dimension: irradiante, jubilatoire et baroque...
Je découvre alors un autre versant de ce corps polymorphe, hier encore conquis par la caresse et nourri de douceurs, aujourd'hui fasciné par l'abyssal plaisir ténébreux. Et je m'y perds pour mieux renaître, métamorphosée dans la fulgurance de la zébrure.
Ma chair embrasée se cabre, mes reins se cambrent, ma croupe se dresse à la fois provocatrice et craintive, complexe et paradoxale...
Etrange alchimie où l'attente virginale du geste suspendu s'agrège à l'âpreté cuisante de l'impact.
Et dans ma citadelle d'ombre et de lumière, j'écoute ta respiration syncopée, je bois la palpitation pourpre de ton désir tandis qu'entre mes cuisses s'épanche le désir aux arcanes de mon ventre.
Noces rouges, hymen barbare, grimoire insolite où s'inscrivent en lettres de feu les formules du plaisir et de la douleur conjugués, la damnation du suave et l'envoûtement du cinglant...
Fessées convoitées et octroyées, amalgame équivoque de larmes perlées et de gémissements jouissifs... entre le grain et l'ivraie nous creusons le sillon de l'amour dans la flamboyante moisson de cette cinquième saison du plaisir.

Elise

(à suivre)