UNIVERS PARALLELES

Je m’éveille dans les lueurs bleutées de ce petit matin avec la sensation étrange d’habiter un corps divergent dont j’appréhende simultanément la meurtrissure et l’apesanteur.
Des souvenirs confus s’engouffrent dans ma tête bourdonnante comme le reflux d’une rumeur lointaine lestée de parfums, émaillée de gémissements et de cris de jouissance dans le froissement soyeux de vêtements glissant lentement …
Dans la pénombre, encore hésitantes, mes mains de hasard partent à la rencontre de cet épiderme d’apparat. Mes doigts tremblants se perdent dans la sombre forêt de ma chevelure puis descendent vers ma poitrine, effleurant ce filon palpitant qui court, fugitif et obstiné à l’orée de mon cou … Ils cueillent des seins éclos à la ramure printanière de mon torse puis coulent vers ce ventre constellé de frissons jusqu’au delta pubien encore humide de toutes ces alluvions d’un plaisir cueilli entre deux rives…
A fleur de peau, mes doigts dialoguent avec ce corps embrumé dans ce parler muet du toucher qui inscrit la vie dans la chair.
Le temps fantômatique perle sous la caresse entre les bribes d’un rêve évanescent.
Je sens le lit s’incurver sous le mouvement appesanti de ton corps en sommeil.
J’ouvre les yeux pour me rassasier de toi ; contemplant ton visage où, sous les traits affirmés de la virilité, la quiétude fait émerger l’empreinte de l’enfance.
Je te frôle et me réconforte à ta chaude présence charnelle qui, lentement, me reconnecte à la réalité.Dors, mon Amour …
Je veux que ton éveil soit doux comme l’odeur blonde des toasts grillés mêlée à l’arôme puissant du café noir.
En me levant, mes pieds s’emmêlent dans les replis soyeux d’une cape noire aux reflets moirés…Tout se brouille dans ma tête….
Et lorsque que je me penche pour ramasser l’insolite vêtement aux effluves pourtant familiers, oh stupeur !... Posé de biais sur le chevet, le masque noir me fixe intensément de ses grands yeux ouverts sur un probable ailleurs …

(Elise)