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Jarretelles

 

Elle entra dans la salle de bains et prit soin d’en fermer la porte à double tour. C’était bien la seule pièce dont depuis bien longtemps – pour ne pas dire depuis toujours –elle verrouillait l’accès…

Elle se dénuda entièrement, inclina la psyché et tira jusqu’à elle un petit escabeau où elle s’assit, une jambe posée sur la première marche en guise de repose-pied.

Et c’était chaque fois le même rituel : même angle d’inclinaison, même lumière focalisée sur son bas-ventre au premier plan.

Puis elle écarta ses cuisses lentement telle une fleur ouvrant ses pétales pour boire la première rosée du matin.

Elle protégea d’une main posée en conque les grandes lèvres tandis que de l’autre elle appliquait méticuleusement la cire ambrée à la spatule. Une coulée miel venait peu à peu mouler son delta pubien entre les rives blanches des aines.

Ces gestes de silence demeuraient inaccessibles à tout regard extérieur, interdits à toute intervention étrangère fût elle plus experte et professionnelle.  Il y avait dans ces séances d’épilation intime quelque chose de sacré et de solitaire comme les chemins qui ramènent vers l’enfance.

 

Elle ferma les yeux sous le flot des souvenirs qui se pressaient contre ses paupières.

 

Elle n’était pas encore pubère mais ses seins bourgeonnaient déjà joliment comme deux promesses fruitières et quelques poils esquissaient en aura duveteuse le triangle isocèle profilé entre ses cuisses. 

Elle n’avait pas encore incorporé cette zone sexuée jusqu’à ce qu’elle ‘’tombe ‘’ par un hasard inouï sur un magazine où figurait en double page la reproduction du tableau de Courbet : l’Origine du Monde.

Elle frissonnait encore en repensant  à l’impact que cette rencontre visuelle avait eu alors sur elle ; elle qui ne lisait que des livres vierges d’illustrations. Seul son imaginaire d’enfant les animait de couleurs, de formes, de sons et de reliefs.

Elle n’avait jamais - ne serait-ce qu’entrevu - sa mère nue et ses parents qu’elle ressentait pourtant amoureux, ne l’avaient pas affranchie des mystères anatomiques et encore moins de leurs énigmatiques liaisons charnelles …

C’est dire la profondeur et l’amplitude du trouble qui l’avait submergée en découvrant cette toison luxuriante où s’esquissait un demi-sourire vulvaire.

Et plus que tout,  il y avait cette fente qui l’interpellait, l’intriguait obsessionnellement sans qu’elle puisse encore établir une corrélation entre le pourquoi et surtout le comment occultes qui faisaient de ce sexe l’origine du monde…

La femme qu’elle était devenue sourit en se remémorant les instants de panique et de fièvre qui avaient spontanément suivi cette révélation.

Elle s’était précipitée dans ce réduit doté d’un simple lavabo qui, à l’époque, tenait lieu de cabinet de toilette.

A l’abri des passages indiscrets, munie d’un petit miroir et assise en tailleur, elle s’était livrée à une inspection avide et méthodique des méandres roses et nacrés que le tableau laissait deviner. Elle avait même osé une investigation plus approfondie en introduisant un doigt dans l’interstice clandestin avec l’espoir d’en découvrir le sésame et la fonction … en vain !

 

 

La cire avait refroidi. Elle l’ôta par petits coups secs successifs jusqu’à révéler le rebondi oblong de son sexe rosi.

La première fois, elle n’avait vu alors que l’impudeur, voire la provocation de ce sexe qui s’affichait dans une candeur virginale.

Mais la confidence ravie de son compagnon qui fantasmait secrètement cette mise à nu l’avait réconciliée avec elle-même.

Depuis, elle s’était habituée à cette parcelle intime dont elle choyait l’épiderme satiné rendu ainsi encore plus sensible aux diverses caresses.

 

 

Enfin accessible à la vue, le mystère féminin semblait somme toute bien banal…

 Pourtant, elle savait qu’au-delà des apparences et dans son intériorité profonde, le sexe féminin gardait intact son secret : là même où sans cesse renaît l’Origine du monde…

 

(Elise)

Lundi 25 octobre 1 25 /10 /Oct 02:36
- Par Elise - Publié dans : elisetmoi - Communauté : les blogs persos
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